CRITIQUES DE LIVRES

50 ANS EN MONTAGNE

 

 

Texte de Roger Frison-Roche, photographies de Pierre Tairraz. - Arthaud, Paris, Grenoble, 1974

(Revue " La Montagne et Alpinisme " - No 4, 1975)

 

C'est avec un vif plaisir que j'ai pris connaissance du livre de Roger Frison-Roche car l'anniversaire qu'il évoque est également pour moi celui de mon cinquantenaire d'alpinisme. J'y ai retrouvé, dans le cadre de la vallée de Chamonix, l'histoire de l'évolution de ce sanctuaire de l'alpinisme moderne, tout en regrettant que cet exposé se limite à l'étude d'une région qui est sans doute la plus belle des Alpes, mais qui n'a pas toujours été à l'origine des développements modernes du sport alpin.

On sait que Roger Frison-Roche a été le premier alpiniste amateur, et de surcroît étranger à la Vallée, à forcer les portes de la sourcilleuse Compagnie des Guides de Chamonix. Il a toujours eu, pour les membres de cette association, une vive admiration, souvent méritée d'ailleurs par les grandes qualités de certains de ses membres. A travers toute son oeuvre littéraire, il n'a jamais manqué d'exalter les qualités physiques et morales de ses collègues. Fier d'avoir été admis parmi eux, il a donc ici choisi d'en devenir, sinon l'historien, du moins le barde.

Comme toute histoire humaine, celle de la Compagnie des Guides est faite de lumière, de dévouement mais aussi d'ombre et de sang, ce qui du reste n'exclut pas la grandeur. Fondée à l'origine par des paysans âpres à défendre leur prérogatives sans beaucoup se soucier du sport ni même simplement du "fair play ", elle a évolué peu à peu vers une association sportive de professionnels de tout premier plan; elle doit beaucoup à l'oeuvre et à la personnalité du regretté Armand Charlet qui, par son exemple, a su faire évoluer ses collègues et à qui Frison-Roche réserve une juste admiration.

On lit donc cet ouvrage avec un très grand intérêt. Facilement accessible, car il est écrit dans un style simple mais évocateur. Cependant, le lecteur qui espérait y trouver des lumières ou des opinions sur les drames dont le massif du Mont Blanc a été le théâtre et auxquels la Compagnie a été mêlée dans les vingt dernières années sera déçu. Sans doute l'auteur a-t-il estimé qu'il s'agissait de faits trop récents pour pouvoir déjà être évoqués et dont le commentaire aurait pu assombrir l'histoire de ces cinquante années de montagne. Tel quel, c'est un important document à verser au dossier de l'évolution de l'alpinisme professionnel en France.

Mais dans ces 50 ans en montagne, il y a aussi la montagne et celle-ci, vue à travers des documents photographiques excellents, est d'une beauté sans rivale. Le massif du Mont Blanc a été photographié sous tous ses angles. Pierre Tairraz a su admirablement renouveler les vues en introduisant de très nombreuses photographies d'avion ou d'hélicoptère qui donnent à tous les sommets familiers des aperçus nouveaux. Regrettons un peu de n'y voir presque pas d'images des versants est, sud ou ouest du Mont Blanc dont la beauté ne le cède en rien à celle du versant français d'un caractère très différent. De très intéressantes photographies rétrospectives complètent l'évocation de ces cinquante dernières années et nous y voyons, avec plaisir, le visage de vieux compagnons disparus.

Alain de CHATELLUS