CRITIQUES DE LIVRES
ENCORDE AVEC DES OMBRES
par Joe SIMPSON
(Glénat 1994/1999)
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Titre original du livre : "The Game of Ghosts" (Jonathan Cape 1993). Oui, le livre n'est pas très récent, mais il a été réédité en 1999. Et il vaut la peine d'être lu (j'aime par contre beaucoup moins ses autres livres : "La face Voilée", "Les Esprits de l'Eau et de la Montagne", "Les Eclats du Silence" et "La Dernière Course", qui sont à mon avis trop longs et trop "verbieux"...). "La Mort Suspendue" a acquis un niveau de notoriété parfaitement mérité. "Encordé avec des Ombres" est l'autobiographie de Joe Simpson, l'histoire rocambolesque d'un alpiniste casse-cou, hors du commun. |
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Daniel MASSE. |
Dans la littérature alpine, Joe Simpson s'impose incontestablement comme un cas. Habitués à lire des récits de courses rédigés par des vedettes de l'alpinisme ou de l'escalade, nous prenons certes part aux difficultés et même aux affres des acteurs mais le drame latent est limité, circonscrit. Les plus beaux récits d'entreprises en haute montagne, qu'ils soient signés Young, Rébuffat, Bonatti ou Messner inquiètent a posteriori mais rassurent finalement. Avec Joe Simpson, le drame est constant et toujours différent. S'il a obtenu un succès quasi universel et fracassant grâce à son premier récit La mort suspendue, ce n'est pas uniquement en fonction du caractère exceptionnellement dramatique de son aventure en Amérique du Sud, c'est également du fait que, dans une certaine mesure, la tragédie apparaissait en marge des accidents coutumiers. À la suite d'un deuxième récit, nettement moins réussi et surtout moins cohérent, Joe Simpson semble avoir voulu conférer à la pratique de la haute montagne un caractère déconcertant. Sa passion de l'entreprise hasardeuse coopère malaisément avec une existence quelque peu chaotique si bien qu'à plusieurs reprises, on évoque irrésistiblement la figure de celui qu'on avait baptisé le « beatnik des neiges », le merveilleux et énigmatique Hemming. S'ajoutent à ces prouesses, à ces échecs, à ces terribles épreuves physiques, une sorte d'obstination à vouloir pratiquer, contre toute logique, un alpinisme de haut niveau et l'énumération effrayante de deuils qui se sont succédé dans le clan des alpinistes britanniques. Ainsi, ces quelque trois cents pages d'une confession impitoyable nous tiennent davantage en haleine que la lecture d'un roman policier. Gageons qu'Encordé avec des ombres dépassera le succès de La mort suspendue. M.-C. C. |