CRITIQUES DE LIVRES
K2 - RÊVE ET DESTIN
par Kurt DIEMBERGER
(Ed. Arthaud, 1992)
(Revue " La Montagne et Alpinisme " - No 1, 1993)
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Ce livre est le témoignage des événements inouïs, terribles et cruels qui ont donné lieu à l'une des plus grandes catastrophes de l'histoire de l'himalayisme. Le second sommet du monde, le K2, situé dans le Karakorum, servira, durant l'été 1986, de théâtre grandiose aux événements tragiques qui nous sont rapportés par Kurt Diemberger, l'un des protagonistes de ce drame. Légende vivante de la conquête des grands 8 000 de l'Himalaya, Diemberger est déjà présent en 1957 et 1960 pour les premières ascensions du Broad Peak avec les Autrichiens dont Herman Buhl, en technique alpine, et du Dhaulagiri avec les Suisses. |
II est le plus expérimenté des ascensionnistes encore en activité et une référence en matière d'expédition himalayenne, personnage exceptionnel d'une grande cordialité, polyglotte, sympathique - et aussi «très» organisé et méticuleux -, cinéaste et guide, il a gravi l'Everest avec les Français en 1978 et aussi le Makaiu et le Gasherbrum II. Dans les années quatre-vingts, il se lie d'amitié et de sentiment avec l'Anglaise Julie Tullis, une autre âme forte à l'ambition intacte et inassouvie. Ensemble ils vont former l'équipe cinéma de plusieurs expéditions et surtout constituer une cordée solide, déterminée et ambitieuse. Une première tentative sur le K2, près du sommet, les fait pénétrer dans le cercle enchanté de la grande montagne. L'ascension du Broad Peak est le révélateur des possibilités et des ambitions de la cordée ; oui, Julie et Kurt retourneront au K2. Été 1986, plusieurs équipes sont rassemblées sur le glacier du Baltoro pour tenter l'ascension des Polonais, des Coréens, des Anglais, des Américains, des Italiens et des Français. Un premier accident survient, une chute de séracs tue deux Américains. Trois jours plus tard, une première tragédie surprend les quatre d'une équipe franco-polonaise. À la descente, disparition de Liliane et Maurice Barrard, retour in extremis pour Wanda Rutkiewicz et Michel Parmentier. Puis c'est l'accident mortel de l'Italien Renato Casarotto. Malgré tout, les tentatives d'ascension se succèdent, gênées par le mauvais temps. Déjà la mort rôde, on découvre peu à peu les rouages de la machine infernale qui va broyer la plupart du groupe de la dernière tentative, hommes et femmes les plus déterminés des différentes équipes qui ont renoncé les unes après les autres. Diemberger par une narration simple et précise nous entraîne. Le groupe des irréductibles - Anglais, Autrichiens et Polonais - se trouve engagé petit à petit dans le piège « chaque décision jamais très grave nous entraîne davantage ». Les sept tentent le sommet... perdent une précieuse journée de beau temps. Cinq réussissent l'ascension. Julie et Kurt sont ensemble sur la montagne... mais bien vite la tempéte les rattrape. Les voilà pris dans la tourmente, la situation échappe désormais à tout contrôle. Les sept sont prisonniers des éléments, pris dans cette zone de mort qui étend son domaine là-haut, au-dessus de 8000 m, quand on est surpris par la tempête. Le simple récit devient épique, atteint l'inouï. Pendant cinq jours ils restent prisonniers de l'altitude, Julie meurt, Alan Rouse n'est plus en état de redescendre. Dans un répit de la tempête, la mort en relâche quelques-uns, il faut fuir, au paroxysme du drame, la petite polonaise Mrowka Dobroslawa rappelle l'essentiel « la vie est en bas », elle n'aura pas la force de redescendre. Seuls Diemberger et Alfred Imitzer pourront revenir. Ont-ils commis des erreurs ? Une journée de retard lourde de conséquences... Ont-ils dépassé le raisonnable ? On comprend que le niveau d'engagement nécessaire pour le sommet de pareilles montagnes se situe très au-delà de la limite du raisonnable... Ils sont allés au bout d'eux-mêmes, ils sont allés au bout de leurs rêves... Ce récit est le témoignage de la capacité des hommes et des femmes - elles étaient, Liliane, Wanda, Julie et Mrowka, parmi les plus déterminées - de répondre aux exigences de l'aventure. II faut savoir que la mort n'est jamais très loin pour ceux qui devront essuyer la tempête à ces très hautes altitudes sans assistance de l'oxygène respiratoire. Le livre nous présente le bilan ahurissant de cette année-là. Vingt-sept feront le sommet du K2. Treize sont morts, parmi eux quelques-uns des plus prestigieux ascensionnistes du moment et au moins cinq autres ont disparu depuis. Un témoignage qui prend place parmi les grands classiques de la littérature alpine. Pourquoi avoir attendu si longtemps l'édition française avec sa modeste iconographie, mais quel livre ! |
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