CRITIQUES DE LIVRES
LES COMPAGNONS DE
L'ALOUETTE
|
par Jean Louis Lumpert.
Arthaud, Paris, Grenoble.
(Revue " La Montagne et Alpinisme" - No 4 et 5, 1973)
L'homme dominé par la machine ? Asservi jusqu'à n'être plus lui même qu'une machine sans volonté, dirigée par de vieux mécanismes contre lesquels il ne peut rien ? C'est une tout autre image que propose le livre de Lumpert : l'image d'un homme maître d'une mécanique jusqu'à la perfection, l'étudiant sans cesse plus pour en découvrir toutes les possibilités, et parvenant à cette connaissance que tout alpiniste, au moins un jour, a enviée au choucas : celles des courants d'air, des lois qui les gouvernent et des possibilités qu'ils offrent pour le vol en montagne.
Cette découverte des sommets par des hommes que d'abord seule mène la passion du pilotage, leur audace grandissante à mesure qu'ils découvrent mieux leur outil (l'Alouette) et leur terrain (connaître chaque couloir, chaque arête), Lumpert les décrit fort bien tout au long de l'ouvrage. D'abord timides puis s'enhardissant jusqu'à effectuer les treuillages les plus acrobatiques, ces pilotes et ces mécaniciens découvrent qu'à la fin, au delà de leurs connaissances techniques superbement appliquées, il s'est passé en eux un "autre chose" qui a transformé leur parfaite connaissance de la montagne en un véritable amour de la montagne. Les techniques diffèrent, l'air remplace le rocher et la glace, mais le pilote et son mécanicien, unis dans la même action, retrouvent les réflexes de la cordée d'alpinistes.
Les grimpeurs, dorénavant habitués à voir évoluer dans leur univers les bulles transparentes et bruyantes des hélicoptères, peuvent enfin connaître ce qu'éprouve ce pilote inconnu, "là haut", en apparence si différent et pourtant confronté à des problèmes qui sont pour l'alpiniste de vieux problèmes : mauvais temps, arrivée de la nuit, force du vent ou neige poudreuse. Face à ces difficultés, les réactions des compagnons de l'Alouette diffèrent de celles des grimpeurs. Leurs moyens techniques ne sont pas les mêmes. La relative liberté du montagnard est ici remplacée par le poids d'un règlement aveugle et rigide contre lequel un Lumpert, membre d'une C.R.S., ne peut s'élever qu'avec beaucoup de risques.
A la fin du livre on sait à quelle belle connaissance d'une montagne peut arriver un homme qui la découvre comme jamais un alpiniste ne la découvrira. Mais on sait aussi quelles innombrables difficultés le pilote d'hélicoptère rencontre dès qu'il approche parois et couloirs. Comme le dit avec insistance Frison Roche dans la préface, la conduite d'un hélicoptère en montagne est bien moins facile qu'il ne paraît.
Les risques encourus sont considérables. Il importe que chacun le sache et ne parte pas en course avec, au fond de lui, la classique certitude qu'un pilote pourra toujours le sauver.
Luc CENIZE.