Cette profession de foi est écrite dans le chapitre
8: "connaissance de l'alpinisme" et c'est dommage;
je conseille donc au lecteur de commencer le livre par ce chapitre car
alors tous les autres prennent une résonnance particulière.
Au travers de cet ouvrage, il doit être mieux compris par les alpinistes
et par ceux dont la fonction est de s'occuper de sport qu'il existe une
différence fondamentale entre un "sport de stade"
et l'alpinisme et que les tentatives de récupération seront
vouées à l'échec si les alpinistes ne tombent pas
dans les pièges tendus deci delà; de Bellefon nous le dit
d'ailleurs sans ambage dans son avant propos : "l'alpinisme serait
seulement une technique et la montagne un terrain de sport vertical, je
n'aurais sûrement pas souhaité écrire ce livre"
.
Enseigner la montagne et non pas seulement enseigner la technique de l'alpinisme
est donc la démarche de l'auteur. Le souci pédagogique est
constant tout au long du livre, mais j'émettrais quelques réserves
pour ce qui concerne les moyens employés. Certes, le texte est
de qualité mais l'abus est souvent générateur du
contraire de ce qui est recherché et l'idée cent fois émise
qu'un bon dessin vaut mieux que de longues explications a été
quelquefois oubliée. Heureusement et ceci peut compenser cela,
l'auteur, dont l'alpinisme court à fleur de peau, nous dispense
tout au long du "chapitre technique" les conseils les
plus judicieux, fruits d'une expérience amassée au cours
de plus de vingt années d'alpinisme responsable et sans lesquels,
les descriptions techniques ne seraient qu'une insipide énumération.
Il y a aussi bien sûr des imperfections et des omissions. Je ne
citerai que pour exemple le développement beaucoup trop succinct
de la technique de progression en neige et les encordements sur glacier.
L'auteur a également pris le parti d'ignorer certaines matières
plus scientifiques telles que géologie, géographie, physiologie,
secourisme, diététique, etc. II en résulte que certains
ne trouveront pas dans ce livre ce qu'ils seraient en droit d'en attendre,
à savoir un document de référence, je pense en particulier
à tous ceux qui ont une charge d'enseignement, guides, instructeurs
bénévoles, etc. Cela me semble dommage, l'auteur avait les
moyens de mener cette tâche à bien.
II sera peut être agaçant aussi pour le lecteur de lire fréquemment
que l'auteur, qui se réfère constamment à son expérience
vécue, a mieux que d'autres déjoué les pièges
tendus par la montagne, mais qu'il n'en prenne pas ombrage car s'il est
vrai que de Bellefon semble laisser entendre qu'il a atteint le stade
de la connaissance (ce qui peut paraître présomptueux), il
avoue implicitement que lorsqu'il débutait, il était inculte
et c'est là une bonne leçon à tirer pour les jeunes
"sestogradistes" qui n'ont pas encore compris (parce
qu'ils n'y ont pas été contraints par la montagne) que résoudre
le problème d'un passage de 6° degré n'est rien en comparaison
des solutions à trouver pour vaincre le mauvais temps ou les neiges
perfides.
Ce livre au ton très personnel, où l'engagement de l'auteur
est permanent, chose peu courante chez les auteurs de manuels d'alpinisme,
a un souffle puissant de vie. Il aura probablement autant de défenseurs
que de détracteurs, la France n'est-elle pas coupée en deux
? Et de Bellefon en présentant son "bon choix de société"
(d'alpiniste) n'a-t-il pas voulu susciter la réflexion ? Toujours
est-il qu'il a fait sienne la maxime Rabelaisienne : "Science
sans conscience n'est que ruine de l'âme".
Maurice GICQUEL.
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