Si les Alpes et l'Himalaya avait déjà leurs "classiques", les Andes, par contre, ne semblaient pas retenir jusqu'à présent la plume de nos grimpeurs. Le «vide» andin se creusait dans nos bibliothèques bien fournies. René Desmaison vient enfin de le combler et de quelle manière !

Deux cent cinquante-quatre pages qui se lisent comme un roman en mélant judicieusement la description topographique pittoresque, l'histoire de l'andinisme et de la civilisation du Pérou aux difficultés traditionnelles d'une expédition et aux étonnantes ascensions relatées dans un carnet de bord qui nous fait rentrer dans l'action et nous reposer sur les étriers des relais avec un réalisme du meilleur aloi.

Cet ouvrage allie en effet trois grandes qualités : le choc des images, la multiplicité des thèmes, l'incitation à l'aventure.

Le choc des images : rarement photographies n'auront autant restitué les couleurs d'une chaîne, les visages et la vie quotidienne du peuple quechua, les restes d'une civilisation énigmatique et la progression des grimpeurs dans cette face sud du Nevado Huandoy, résumé photogénique des plus grandes difficultés alpines et himalayennes.

La multiplicité des thèmes : René Desmaison, d'alpiniste, se fait ethnologue, historien, géographe, botaniste, touriste, philosophe. La plaine et les hauts plateaux, si souvent délaissés par les écrits, trouvent ici une place de choix qui nous fait mieux apprécier ces pointes plantées dans le ciel des Andes. La population et les porteurs deviennent des amis tout proches... on en viendrait même par instants à oublier que nous parcourons un livre de montagne.

L'incitation à l'aventure : rarement livre n'aura autant invité à sauter dans le premier avion pour courir respirer l'air qui se dégage de chacune de ces pages. Un air de liberté, de passion et de dépassement.

Rarement ouvrage n'aura autant donné de lettres de noblesse à cet "andinisme" naissant qu'il serait étonnant de ne pas voir se développer.

Rarement enfin René Desmaison n'aura autant fait partager sa passion des peuples des montagnes et offert à ceux qui la connaissaient mal cette nouvelle image : celle d'un homme qui ne cesse d'élargir la palette de ses passions.

Au royaume de la montagne, les « premières » sont toujours les bienvenues, celles des victoires sur la matière, comme celles qui enrichissent l'âme des récits originaux de l'aventure. René Desmaison a réussi ce double exploit. II vient ainsi d'inscrire son nom au tableau d'honneur de ces ouvrages qui ont définitivement fait de "l'alpinisme un humanisme".

Stéphane BAUMONT .