CRITIQUES DE LIVRES
ASCENSIONS
par Catherine DESTIVELLE.
Arthaud 2003.
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Avez-vous remarqué que les femmes ne sont pas faites comme les hommes ? C'est évident, me direz-vous... Mais je suis toujours étonné de constater combien les motivations des femmes alpinistes peuvent être différentes de celles des hommes. Catherine Destivelle aime grimper. Tout simplement. Le satisfaction du mouvement parfaitement exécuté est son premier plaisir. Elle se fixe un objectif, se prépare soigneusement, physiquement et intellectuellement, et le réalise, sans plus de complication. Gratifiée de dons physiques naturels - qu'elle reconnait simplement, sans en tirer gloire - elle prouve également (s'il en était encore besoin !) que la réflexion, l'intelligence et la motivation sont sans doute les ingrédients les plus importants dans la réalisation d'un grand projet d'ascension. Sa première école fut à Fontainebleau, où elle a appris qu'un passage ne peut souvent être franchi que par une succession bien précise de mouvements parfaitement coordonnés et enchainés. |
Elle applique exactement ce même principe à ses ascensions en falaise et en montagne, en préparant pendant des mois la succession des passages à franchir, le matériel à emporter, les échappatoires en cas de problème. Impressionnant ! Mais là où elle se différencie des hommes, c'est par l'absence presque totale d'esprit de compétition. Elle choisit ses objectifs en se fixant un défi personnel, sans chercher à être la première. Un homme cherche à laisser sa trace dans l'histoire, Catherine veut seulement se dépasser. Il est vrai qu'elle a fait de la compétition d'escalade, mais elle donne l'impression de l'avoir fait essentiellement pour des raisons alimentaires : la compétition lui apportait la visibilité médiatique, et l'argent lui permettant de continuer à grimper. Elle se considère comme une professionnelle de la montagne : il faut donc qu'elle en vive, pour pouvoir satisfaire son besoin de grimpe. Dans cette autobiographie, elle nous parle de ses premières escalades à Fontainebleau, puis en falaise, pour finalement apprendre la progression sur neige et glace, afin de pouvoir s'attaquer aux grandes parois des Alpes et de l'Himalaya. Elle grimpe beaucoup avec de grands alpinistes américains, comme David Brashears, Jim Bridwell et surtout Jeff Lowe, dont elle apprend beaucoup. Si elle nous donne des détails de quelques unes de ses ascensions, son texte ne peut servir de guide : seuls quelques passages clés sont parfois décrits. Son admiration pour Walter Bonatti transparait souvent, ne serait-ce que dans son choix de courses (les Drus, le Cervin). Elle partage avec lui l'indépendance, un amour de la belle escalade, un souci de trouver la voie élégante, directe. Le dernier chapitre du livre, la conclusion, est le chapitre le plus important, à mon sens : Catherine y analyse avec beaucoup de lucidité ce qui l'a attirée - et l'attire encore - en montagne : le plaisir physique, la beauté, la confrontation, mais surtout le besoin "de progresser sans cesse et de franchir de nouvelles limites". Nulle compétition dans cela, sinon avec elle-même. Maintenant, l'âge mûr arrivant, sa joie est d'initier son fils Victor aux plaisirs qu'il trouvera en montagne... Dans la construction de son récit, on voit qu'elle a fréquenté les Américains : elle commence par l'histoire dramatique de sa chute en Antarctique : elle se casse la jambe, loin de tout secours possible (une histoire à la Joe Simpson !). Pourquoi diable l'éditeur a-t-il choisi comme titre
à ce livre celui-là même qu'Achille Ratti (futur Pie
XI) avait déjà utilisé ? Dommage également
que les photos ne soient pas meilleures... Il existe pourtant de superbes
clichés de Catherine Destivelle... Daniel MASSE. |