CRITIQUES DE LIVRES
LA FIN D'UNE CONQUETE
GUIRON et PERICHON.
Préface de Michel Barrault. - Périchon, éditeur à Lyon.
12 pages de texte, 60 pages d'héliogravure
(Revue " La Montagne" - No 367, 1954)
Pour les auteurs, la victoire à la face Ouest du Dru marque la fin de la conquête des Alpes commencée par l'ascension du Mont Aiguille. Est-ce bien sûr ? Je pense plutôt que l'ambition des grimpeurs saura bien y trouver encore certains "derniers grands problèmes" à la mesure de leur volonté de puissance et d'une technique encore perfectionnée. Quoi qu'il en soit, les auteurs ont voulu marquer ce point singulier de l'histoire de l'alpinisme en rassemblant tous leurs souvenirs des Alpes. L'avion leur a permis l'exploit d'en revoir presque simultanément les plus divers aspects du Dolent aux Calanques : c'est cette brassée d'images qu'ils nous offrent.
Il y a quelque 25 ans, le général Benoist, le capitaine Seive, Raoul Blanchard nous avaient donné Les Alpes Françaises à vol d'oiseau et Le Mont Blanc aérien. Depuis, les techniques de la photographie et des arts graphiques se sont perfectionnées et les images d'aujourd'hui sont généralement mieux présentées que celles d'hier. Elles ont également un aspect moins purement documentaire, sans doute parce que M. Guiron, pilote, et M. Périchon, photographe, ont vraiment cherché à recréer des souvenirs personnels.
Leurs photographies sont presque toujours intéressantes ; beaucoup sont belles, généralement celles dont on peut ignorer qu'elles aient été prises d'un avion... Car, il faut bien le dire, la prise de vue aérienne n'est pas particulièrement favorable à la montagne. Trop souvent l'aplatissement du relief conduit à la confusion, altère gravement les proportions, ne restitue ni la grandeur, ni l'harmonie du sujet ainsi la planche où l'arête de Peuterey est coiffée par le massif du Ruitort.
En conclusion d'une substantielle préface, Michel Barrault nous invite à une conception esthétique et morale de l'alpinisme, maintenant qu'ont été résolus "les derniers grands problèmes de nos Alpes". C'est oublier qu'il appartient à chacun de nous de recommencer toujours la création ; c'est oublier que chacun de nous est d'abord le garçon qui se cherche dans l'action avant d'être l'homme mûr qui se complait dans des plaisirs plus intellectuels. Alpinisme sportif, alpinisme contemplatif... ce sont là bien davantage des moments dans la vie de chaque alpiniste que des périodes successives dans l'histoire de l'alpinisme.
Henri LAULAGNET..