CRITIQUES DE LIVRES
GRANDES COURSES
par François LABANDE.
(Ed. Arthaud, Paris 1980. Coll. "Altitudes")
(Revue " La Montagne et Alpinisme" - No 123, 1981)
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C'est un livre de maturité que François Labande, qui s'y connaît en matière de topo-guide, nous offre avec cet album Grandes Courses. L'auteur entreprend, en 104 courses ou escalades difficiles, de recenser la richesse des Alpes françaises (Corse exclue), avec quelques passages en Italie. Vingt-cinq secteurs sont représentés, et cependant le livre doit à l'homogénéité du niveau des voies de préserver son unité. Les photos pleine page sont uniquement descriptives, avec une recherche dans la finesse et la valeur documentaire, inspirée d'ouvrages allemands similaires. Ces montagnes, nous les voyons nues, comme vierges, et c'est un bon exercice que d'en imaginer directement les itinéraires. |
La documentation technique, qui se limite aux croquis d'interprétation, petits chefs-d'oeuvre du genre, et aux renseignements indispensables (pas de description d'itinéraire), laisse une part à l'inconnu. Cette conception, qui exige une très bonne qualité d'impression, préfigure peut être la fin des topos indigestes. Dès lors, il reste de la place pour parler de l'alpinisme des dernières décennies ou de délicats sujets actuels. F. Labande, d'ailleurs, ne se prive pas de militer en faveur de la tendance au dépouillement dans les moyens... Idées et technique, photos et croquis, sobriété du ton, la sauce est réussie. Elle serait plus piquante si les grandes courses pyrénéennes étaient intégrées à l'ouvrage, pour comparer ! Mais telle qu'elle est, cette anthologie intelligente plaira sûrement aux grimpeurs modernes. Jean Luc LE FLOC'H Ces 100 plus belles... Pardon, ces 104 grandes courses se présentent naturellement sur une double page avec photo, croquis de la course, renseignements pratiques et réflexions. Ces "réflexions", voilà la part d'originalité du livre, la touche de l'auteur. François Labande, à qui l'on devait déjà l'excellent Guide du Massif des Ecrins (en collaboration avec Devies et Laloue), s'est fait plaisir cette fois-ci. II a raconté en vrac ce qu'il aimait et qui il n'aimait pas. Sans doute aurait-il été mieux inspiré de rester fidèle aux topos guides. Car, de toute évidence, le résultat n'est pas un topo guide. D'ailleurs, l'auteur nous prévient dès l'avant propos : "la paroi, la course, évoquent un "autre chose"". Malheureusement, où trouver la force d'évocation quand la montagne est invariablement présentée comme un "terrain de jeu" qui pose des "problèmes", lance des "défis" auxquels répondent les courageux alpinistes immanquablement baptisés "vainqueurs" quand ils "inventent" des faces (et non des voies) ? On pourrait même s'inquiéter d'une pensée qui prône au fil des pages un alpinisme dominé par une caste de surhommes, si des contradictions ne conduisaient l'auteur à condamner ici "les méfaits des corps en uniformes dans l'univers montagnard" pour tenter semble-t-il un peu plus loin de réhabiliter l'alpinisme allemand au temps du nazisme. La description des courses elles-mêmes, cotées V, voire VI, s'adressant à un nombre forcément restreint de pratiquants, on conçoit que l'éditeur ait voulu élargir l'audience de l'ouvrage à ceux qui préfèrent rêver que grimper. Encore aurait-il fallu ménager cette clientèle, lui indiquer par exemple les sommets conquis par Karl Blodig ou, plus simplement encore, définir à son intention les limites géographiques du livre. Quant aux vrais alpinistes, ils se réjouiront toujours à lire la condamnation du surpitonnage ou de l'usage des pitons à expansion. Mais fallait-il répéter ici vingt fois, trente fois, le même réquisitoire pour... enfoncer le clou ? Encore un livre à feuilleter sur les rayons du libraire. Yves PAVETON. |