CRITIQUES DE LIVRES

DICTIONNAIRE DE LA MONTAGNE

 

 

par Jacques Gautrat

Le Seuil, Paris

(Revue " La Montagne et Alpinisme" - No 80, Décembre 1970)

Dans un bouquin, je lis d'abord l'arrivée, puis le départ. L'arrivée m'avait plu avec cet hommage à Léon Zwingelstein, alpiniste inconnu des grimpeurs de l'ère blue-jeanienne. Le départ, par contre, m'a fait immédiatement hausser le plus circonflexe des sourcils : Abeilles (chant des), Abominable homme des neiges... voilà qui annonçait tout de suite, déjà et hélas, ce lamentable folklore pour prospectus touristique. La suite évoluait vers le pire, j'apprenais ainsi que Bonatti a fait la "première italienne de l'éperon Walker" ("voie Cassin" qui plus est), que Léonard de Vinci était un "alpiniste italien" (sacré Léo, va!), "plus connu comme peintre que comme grimpeur"; ou encore que dans les dalles "il n'existe pas de failles pour fixer les pitons", et que sur les arêtes glaciaires "le risque est toujours grand de tomber d'un côté ou de l'autre" (la difficulté étant, sans doute, de tomber des deux côtés simultanément).

Dire des choses inexactes ne suffisant pas à l'auteur il lui restait à mal les dire et, en comparaison, les dialogues des mauvais westerns de la première époque c'est du Flaubert ! Ainsi cette impayable définition de l'adjectif "extérieur" : "toute escalade se décollant à l'extérieur du rocher", ou cette phrase sibylline : "on traduit aussi la distance d'une course par le nombre de bivouacs nécessaires au franchissement d'un sommet", sans parler de "éboulis carrés", "parois ombragées" et autres redoutables trouvailles.

S'attaquer à un tel sujet avec de tels moyens ce n'était plus du courage mais de la témérité. Certes le succès transforme généralement la témérité en courage, mais devant ce "Waterloo" seul le mot échec, éventuellement accompagné de quelques adjectifs propres à le renforcer, paraît s'imposer.

Georges LIVANOS.