CRITIQUES DE LIVRES
L'EVEREST
par Walt UNSWORTH
( Éd. Denoël. 1985 )
(Revue " Montagne et Alpinisme" N°3 - 1986)
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Les Britanniques à l'aube du siècle, maîtres des océans, instruits et nourris de voyages et d'aventures, vont laisser échapper les deux objectifs majeurs de l'exploration de notre planète : les deux pôles sont atteints par les Américains au nord en 1909, et par les Norvégiens au sud en 1911. Pendant cinquante années, ils vont devoir batailler ferme pour ne pas laisser échapper la dernière exploration majeure de notre monde : l'ascension de la plus haute de nos montagnes. Mais la conquête du troisième pôle va être l'objectif qui résistera le plus aux hommes, là où ils rencontrèrent le plus d'obstacles contre lesquels ils se montrèrent le moins aguerris, le moins préparés |
Le livre est remarquable et c'est avec beaucoup d'insistance qu'il faut saluer ce genre d'ouvrage, le travail de l'auteur et la décision de l'éditeur, un ouvrage de référence qui améliore la connaissance des montagnes et des hommes qui les explorent. Bien sûr, dans un tel travail, il est toujours possible pour l'esprit critique de trouver quelques remarques, essentiellement des compléments d'information, qui n'altèrent en rien l'intérêt du livre. La tentative de l'expédition internationale dans le versant sud-ouest s'est terminée d'une façon détestable et avec de nombreuses polémiques. II n'est présenté ici que la thèse anglosaxonne, on aurait dû au moins opposer la version totalement différente des protagonistes... non anglo-saxons. L'altitude de la montagne est maintenant bien connue, après les mesures et la publication des travaux de l'expédition chinoise de 1975. Enfin, la toponymie de la montagne proposée dans ce livre surprend beaucoup. La plus haute montagne du monde est désignée par les populations locales des différentes vallées népalaises et tibétaines sous le nom de Chomolungma ou, dans la nouvelle traduction, Qomolungma, et ceci depuis plus de deux cent cinquante ans, si l'on en croit les écrits datant de 1733. Les Britanniques, à la fin du siècle dernier, vont réussir à donner le nom d'une personnalité britannique, George Everest, à une montagne qui n'est pas dans leur domaine de souveraineté, située sur l'arête frontière séparant deux États souverains à l'époque, le Népal et le Tibet, ceci en parfaite contradiction avec leur propre politique et celle des différentes sociétés de géographie du monde qui était de donner aux montagnes de l'Himalaya le nom sous lequel elles étaient connues localement. Cette appropriation quelque peu sauvage va provoquer plus tard une réaction népalaise qui propose aujourd'hui le nom de Sagarmatha. II semble bien que la "raison inconnue" qui a fait donner ce nom par les autorités népalaises à la montagne, soit aussi mauvaise que celle des Britanniques, aujourd'hui reprise par l'ensemble du monde occidental. Comme pour le Cervin, la triple désignation doit aujourd'hui s'imposer à l'ensemble des ascensionnistes et des géographes en attendant une version encore plus déchirante mais inexorable pour nos amis britanniques. |
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