Quia écrit Prés des névés et des glaciers ? Combien de livres ont été consacrés au Grand Paradis ? Existe-t-il quelque chose sur les montagnes d'Albanie et où peut-on le consulter ? Combien y a-t-il eu d'éditions successives de Tartarin sur les Alpes.? Peut-on raisonnablement espérer trouver Les dangers de la montagne de Zsigmondy ?

Autant de questions que peuvent se poser tous ceux qui; à un titre ou un autre, s`intéressent â la montagne et à sa littérature, qu'ils soient bibliophiles, chercheurs universitaires, journalistes, libraires, responsables de bibliothèque spécialisée, alpinistes à la recherche de docurnentation sur un massif peu connu ou, tout simplement, « honnêtes hommes » curieux. Certains auraient voulu écrire une telle somme. D'autres ont peut-être songé à ce que pourrait être cet ouvrage de référence, avant d'écarter l'idée d'un revers de main : projet séduisant mais trop ambitieux, irréalisable et irréaliste.

II faut rendre hommage à Jacques Perret d'avoir osé se lancer dans une telle entreprise et surtout de l'avoir menée à bien. Quand on pense vieux livres, ce sont souvent des images poussiéreuses et vieillottes qui viennent spontanément à l'esprit ll est encourageant et sympathique de voir qu'une telle somme est le fruit du travail d'un « jeune ».

À l'origine de cette vocation précoce, on peut trouver deux explications. La première est terre­à-terre : passionné d'histoire et de littérature alpine, Jacques Perret a commencé à collectionner les ouvrages sur ce sujet il y a une dizaine d'années. Jeune amateur, il s`est rapidement aperçu que l'âge d'or de la bibliophilie alpine était révolu. Faute d'offre, le marché était presque bloqué, cédant parfois à des bouffées de folie: Pourquoi ne pas lui redonner un peu de vie et de raison, en lui fournissant des bases de référence (qu'est-ce par exemple qu'un titre "peu courant", "rare ", "introuvable" ?), en faisant peut-être sortir des greniers ou des arrière-boutiques des ouvrages oubliés et parfois de grande valeur ? L'autre explication est tout aussi simple : c'est d'abord pour le plaisir de l'auteur (faire le point sur ses connaissances, ses découvertes et en faire part à d'autres passionnés), que ce projet un peu fou a vu le jour.

Trois ans de recherche

C'est le temps qu'il a fallu pour passer du rêve à sa concrétisation. Pour mener à bien ce travail, l'auteur n'est pas parti de rien mais il s'est appuyé sur différents « centres de ressource ». II a notamment bénéficié des catalogues de plusieurs grandes bibliothèques spécialisées, publiques ou privées. Celle de l'Alpine club est la plus connue mais celle du Club alpin italien, basée à Turin, vaut également le détour. N'oublions pas non plus le Centre national de documentation du CAF, dont le fonds ancien, en cours d'informatisation, recèle lui. aussi quelques trésors. Des bibliographies thématiques, comme celle de Neate sur les ouvrages en anglais, celle de Labarère sur le pyrénéisme ou le fameux catalogue de Yakushi (tout entier consacré à l'himalayisme) ont également été utilisées. Enfin des libraires spécialisés (dont une liste figurera en annexe du guide) et des collectionneurs privés ont été sollicités.

Une sélection

Cette bibliographie générale et critique sur la montagne n'a pas pour autant de prétention à l'exhaustivité. Elle ne traite que des livres, brochures, plaquettes et tirés à part divers, à l'exclusion des articles de revue. II a fallu en outre faire des choix parfois douloureux pour ne retenir finalement que 4 850 ouvrages écrits en français, anglais, allemand, italien plus quelques autres langues (sans oublier le latin). Jacques Perret a dû pour cela faire preuve d'une inévitable subjectivité qui indisposera peut-être certains, vexés de ne pas avoir été « sélectionnés ». Différents critères ont été retenus comme l'importance de l'auteur (sur le plan alpin, littéraire, historique...), l'intérêt de l'oeuvre et sa place dans l'histoire de l'alpinisme, le caractère plus ou moins rare du livre. Au risque de décevoir certains curieux, cet ouvrage n'a rien d'un « argus » ni d'un catalogue philatélique et on n'y trouvera pas le moindre prix. C'est aussi bien ainsi car cela laisse place pour le rêve. On n'y trouvera pas non plus de critique littéraire stricto sensu, pour des raisons de place et parce que l'auteur n'en affiche pas l'ambition. Cela n'empêche pas certains commentaires ou appréciations sur la qualité de tel ou tel ouvrage.

Portraits et anecdotes

Cette énumération de titres pourrait n'être qu'une liste froide et sèche, une accumulation de données techniques (format, pagination, illustrations...). Pourtant, ce guide ne se consulte pas, il se lit comme un roman. Au fil des pages et des notices biographiques, c'est toute une galerie de portraits qui s'anime, des personnages oubliés ou méconnus qui revivent, des détails pittoresques ou insolites qui foisonnent. Même si ce n'est pas un dictionnaire des grands (et moins grands) noms de l'alpinisme et de sa littérature, cela y ressemble fort par certains côtés... et la vaste culture de l'auteur rend cette lecture passionnante. Cette magistrale synthèse se présente d'ores et déjà comme un exceptionnel outil de travail, une mine inépuisable de renseignements. Finissons-en avec les superlatifs et les commentaires hyperboliques, pour dire simplement que Jacques Perret a fait de la belle ouvrage et qu'il a droit à la reconnaissance de tous ceux pour qui la montagne, loin d'être un simple stade, est d'abord une culture d'une extraordinaire richesse.

J.-P. ZUANON.