Les éditions Arthaud/Altitudes dirigées par Michel Schulman nous proposent là un des plus beaux livres de la collection. La couverture classique cartonnée et brillante ne laisse guère supposer, à première vue, ce petit trésor de documents photographiques d'une qualité exceptionnelle. Bravo pour les photographes de l'expédition, mais aussi bravo pour le photograveur et l'imprimeur.

Mais un peu de rigueur et fermons ce bel album d'images pour reprendre à la première page. L'idée d'un ouvrage collectif est toujours intéressante. Mais attention ! à chacun son discours. Après une très brève introduction de Messner qui présente sans concession ses partenaires, Alessandro Gogna livre de son journal "intime" ses impressions, rêves, angoisses et tourments que suscite au fil des jours le déroulement concret de l'expédition.

Introspection permanente qui met en jeu la plupart des grands thèmes existentiels. L'environnement, les situations extrêmes, les autres surtout ne sont essentiellement que des miroirs évocateurs d'une indicible quête d'un vouloir être l'égal de ses pairs, du père et voire même le père. Au fil des pages on s'attache à cette personnalité riche en devenir. La dynamique de son auto portrait est tellement bien traduite que l'on pressent le dénouement personnel de cette aventure au K2 bien avant la page 71. Cette soif d'absolu, d'unité parfaite, presque symbiotique de soi même avec ce monde des hauts sommets vécu comme originel, Messner nous en trace déjà avec une maîtrise étonnante du langage écrit et grâce à son expérience de "huit milliste" hors du commun un long cheminement sur les voies de la connaissance. Le besoin viscéral de perfectionnement et d'accomplissement, vécu comme une force motrice dénuée de toute raison, il nous l'a décrit pourtant avec beaucoup de lucidité tout au long de son ascension victorieuse avec Michel Dacher ce pas tout à fait jeune de 45 ans qui réussira avec brio cette ascension éprouvante de l'arête des Abbruzes en moins de cinq jours. Avec Gogna et Messner, c'est l'expérience individuelle et le vécu très personnel de chacun au cours de l'ascension du Kappa Duc qui prime sur l'événement himalayen.

En dernière partie, une intéressante chronique de l'histoire du K2 aété brossée comme il se doit par le journaliste de l'expédition.

Un petit détail cependant risque de nuire au ton de l'ouvrage. De nombreuses légendes sous forme de citations - la plupart de Messner - tirées de leur contexte événementiel mêmes plaquées sur de très belles photos cassent par excès l'effet recherché. La magie des mots ne fonctionne plus et l'aspect ésotérique du discours reprend le dessus. II n'est guère judicieux d'abuser "des pensées célèbres de l'auteur". Le charme s'étiole vite.

Maurice BARRARD.