CRITIQUES DE LIVRES
K2, MONTAGNE SANS PITIÉ
K2, 8611 m
K2, Montagne sans Pitié
par les membres de l'expédition américaine 1953.
Arthaud, éditeur à Grenoble, Paris. N° 25 de la collection Sempervivum, dirigée par Félix Germain.
230 pages de texte et 12 pages d'illustration, 4 croquis
K2, 8611 m
par Charles S. Houston, Robert H. Bates, Georges I. Bell
Arthaud, éditeur à Grenoble, Paris. Collection Belles Pages, Belles Couleurs.
20 pages de texte, 59 planches d'illustrations dont 6 couleurs, 1 croquis
(Revue " La Montagne" - No 369, 1954)
Everest, K2, Nanga Parbat, triptyque de l'Himalaya 1953. Autant de montagnes, autant de nations, autant de styles dans l'exécution et le récit. Avec "Victoire sur l'Everest" nous nous sentions embrigadés dans une formation militaire où la bonne entente règne par le fait de l'autorité du chef. Sans protestation ni murmure, le lourd train d'équipage s'élève suivant le programme établi, et la cordée désignée ne fait que son devoir en atteignant le sommet au jour dit. Au Nanga Parbat c'est l'anarchie, la victoire par la désobéissance, l'envolée magique de l'halluciné hors de toutes lois physiques et de toutes conventions.
"K2, montagne sans pitié" est le récit d'une aventure d'hommes. D'hommes libres mais unis, d'hommes audacieux mais sages. C'est aussi l'histoire d'une tragique défaite que le succès italien de 1954 ne devra jamais faire oublier, car sans la leçon des défaites, les victoires en montagne ne seraient plus que le fait du hasard. Le lecteur de la Montagne trouvera peut-être les premiers chapitres monotones : les récits des préparatifs et de la marche d'approche lui sont désormais trop familiers. Qu'il se reporte alors au bel album "K2, 8.611 m." ; images classiques mais toujours attrayantes des vallées de l'Indus et de la Braldu, du glacier de Baltoro et du camp de base. Mais lorsque le tourisme cesse et que l'aventure commence, la photo ne nous dit plus grand chose. Derrière les images paisibles on cherche la peine des hommes et l'approche de la tempête. Les photos traduisent mal tout ce qui fait justement l'action dramatique d'une expédition : l'effort, la fraternité ou la discorde, la lutte, la souffrance et la mort. Il faut alors revenir au livre, où cinq chapitres admirables nous offrent un témoignage humain aussi éloigné du froid récit de Hunt que du rêve surnaturel de Buhl. Houston jusqu'à l'accident, Bates ensuite, ont su recréer pour nous avec sincérité et simplicité l'atmosphère exaltante puis mortelle dans laquelle 8 hommes, dangereusement isolés de leur base mais unis par l'épreuve, ont perdu l'un des leurs et, s'entraidant l'un l'autre, ont échappé à la mort en donnant un des plus beaux exemples de solidarité alpine.
Si le ton du récit est un peu uniforme, cela tient sans doute plus à l'unité de style d'une traduction excellente par ailleurs, qu'à une intention délibérée des auteurs. Comme pour leur récit de l'expédition de 1938, on peut penser que le texte original est plus vivant.
Un seul regret : la couverture qui s'inspire davantage de la fâcheuse innovation d'un confrère ou des illustrations des magasines italiens que de l'esprit de fière entreprise qui anime le livre,
Jacques Tessier du Cros