CRITIQUES DE LIVRES

KARAKORUM

 

 

par Fosco Maraini.

Les Presses de la Cité, Paris.

(Revue " La Montagne et Alpinisme" - No 45, Décembre 1963)

Précisons d'abord que, par une incompréhensible erreur, la liseuse de ce livre porte en sous titre L'Ascension du K 2, alors que l'ouvrage est entièrement consacré à la conquête du Gasherbrum IV. Le commentaire qui figure au verso de la liseuse comporte la même erreur de rédaction.

Il est vraiment dommage qu'une oeuvre aussi originale et intéressante ait vu sa traduction française dévaluée par cette stupide confusion.

Ceci dit, l'ouvrage est un des plus remarquables récits de voyage et d'ascension qui ait jamais été publié.

On a vu, dans l'Histoire, de nombreux grands personnages se faire accompagner d'un historiographe chargé de publier leurs hauts faits, car de quoi sert un exploit s'il reste ignoré ou s'il voit sa description faussée ?

L'expédition italienne qui vainquit le Gasherbrum IV est probablement la plus forte qui ait jamais été envoyée au Karakorum. Ses participants comptaient parmi eux les meilleurs alpinistes italiens du moment sur le terrain de la haute montagne. De plus, les organisateurs s'étaient assuré la participation de Fosco Maraini, remarquable écrivain et ethnologue, grand connaisseur des choses de l'Orient, et dont l'ouvrage sur le Tibet est certainement déjà bien connu des lecteurs de La Montagne

Maraini nous décrit son voyage à travers les paysages sauvages et désertiques du haut Cachemire. Il évoque au passage les diverses populations que l'on rencontre et donne à leur sujet de nombreux détails intéressants, entièrement inconnus du lecteur non spécialiste.

Lorsque l'on aborde avec lui le glacier de Baltoro, on est immédiatement enchanté par l'aspect extraordinaire des montagnes que l'auteur nous présente à la fois par ses clichés et par sa plume. Au passage, de courtes descriptions des principales expéditions qui gravirent les montagnes qui limitent, au nord et au sud, les glaciers de Baltoro et de Godwin Austen, remettent en mémoire d'autres exploits, de tragiques épisodes et de remarquables récentes conquêtes.

L'ascension elle-même est décrite par Maraini qui n'y participe pas directement, mais qui prend une part active au soutien des équipes d'altitude. Il saura rester toujours parfaitement objectif lorsqu'il s'agit de répartir les mérites de chacun.

Sans outrance d'aucune sorte, Maraini fait comprendre à quel point la conquête fut dure, allant jusqu'à pousser aux limites les forces de Walter Bonatti. Il est vrai que l'expédition préféra s'alléger et se passer d'oxygène pour une ascension qui frôlait les 8.000 m.

Les photographies très originales sont tout à fait admirables et leur reproduction en couleurs est parfaite (il y en a dans cette édition 40 pages). On peut cependant regretter que l'édition française n'ait pas reproduit les documents en noir et blanc et les excellents croquis qui figuraient dans l'édition italienne. La région du Gasherbrum est d'une grande complexité géologique et cartographique, et, sans croquis, les diverses démarches de l'expédition sont très difficiles à interpréter; mais ce ne sont là que des critiques mineures, l'exploration de l'Himalava a trouvé son Saint Exupéry.

Alain de CHATELLUS.