CRITIQUES DE LIVRES

LA VIE A PLEINES MAINS
Au-delà du cancer

par Jean-Marie CHOFFAT

(Presses du Belvédère 2006)

 

Non, il ne s'agit pas véritablement d'un livre de montagne, bien que Jean-Marie Choffat soit membre du G.H.M., et l'auteur de très nombreuses premières.

Ce livre est le récit par le détail de la formidable lutte qu'il a menée contre la maladie. Cette lutte, il l'a gagnée, quoi qu'il arrive maintenant...

Le récit est rédigé sous forme d'entretiens avec Alexandre Bollengier, journaliste à l'Est Républicain, et il est fort bien écrit. La lecture étant une autre des passions de Jean-Marie, les références littéraires sont nombreuses.

Le premier tiers du livre est le récit de son enfance dans le Jura. Ses parents travaillent chez Peugeot, comme tout le monde dans le coin, et sa famille est très modeste. La perspective de suivre leurs traces ne l'emballe pas vraiment...

Brillant pendant ses premières années d'école, il est pris en grippe par une institutrice qui le dégoute définitvement des études. Alors, il fait l'école buissonnière... Costaud et bagarreur, il est de tous les mauvais coups, et son enfance fait irrésistiblement penser à celles de certains alpinistes anglais. Il passe toutes ses journées dans la nature, les hivers sont rudes, dans le Jura, et il passe plus d'une fois la nuit dehors : cet entrainement lui servira plus tard, en montagne.

La montagne, il la découvre par hasard, lors d'un camp de vacances, et c'est le coup de foudre : la montagne devient sa raison d'être, sa passion absolue. Falaises du Jura, Alpes l'été, Alpes l'hiver, Sahara, expéditions lointaines : tout y passe, et Jean-Marie accumule les courses - et les premières. Il y va avec un bon ami, ou bien seul, mais sans jamais faire de publicité : son plaisir est de mesurer ses forces aux difficultés de la montagne - et de jouir du spectacle.

Un jour de 1991, c'est le coup de bambou : il apprend qu'il a un cancer. Abandonner la montagne ? Et pourquoi donc ? Pas question. Il est seulement obligé de s'organiser de façon à honorer ses rendez-vous à l'hôpital, et, à partir de 1995, les séances de chimio. Il gravit ainsi, entre autres, la fameuse voie du Linceul, aux Grandes Jorasses, entre deux séances de chimio...

Mais, malgré les nombreuses opérations, malgré la chimio, des métastases subsistent sur son foie : il faudrait greffer un nouveau foie... Il hésite, puis accepte finalement, et l'opération a lieu en Novembre 2001. Non sans quelques "petits" incidents : il y perd un poumon et gagne une prothèse diaphragmique... Mais Jean-Marie est vivant, bien vivant - et il grimpe toujours, pas au même niveau, bien entendu, mais il a par exemple accumulé un total de 6000 mètres d'escalade en falaise, début 2002, histoire de montrer, pour la journée du Don d'organe, qu'un greffé n'est pas un homme tout à fait fini...

Jean-Marie Choffat est passionné de montagne, et on pourrait croire que c'est la montagne qui lui a permis de lutter contre son cancer. Pas du tout : Jean-Marie est passionné. Point barre. Il aurait été passionné de vélo, ou de bricolage, le résultat aurait été le même. Après la publication de son livre "Un homme debout" (Alzieu 1996), dans lequel il raconte les premières années de sa maladie, une dame est venu le voir pour le remercier, après la mort de son mari : il venait de décéder d'un infarctus, pendant qu'il jardinait. Atteint d'un cancer, il était retourné à sa passion, le jardinage, après avoir lu le livre : "Si Jean-Marie Choffat peut faire de l'alpinisme avec un cancer, moi je peux bien faire du jardinage"...

Le récit de Jean-Marie Choffat est le formidable témoignage d'un lutteur animé d'une volonté que rien ne peut abattre. Il se bat, depuis plus de 15 ans, contre une des pires maladies qui puissent arriver à un homme.

Voilà qui remet à leur place les petits ennuis qui nous arrivent tous les jours...


Daniel MASSE.

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