CRITIQUES DE LIVRES
MAKALU PILIER OUEST
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par Robert Paragot et Yannick Seigneur.
Arthaud, Paris, Grenoble.
(Revue " La Montagne et Alpinisme" - N°4 - 1972)
Un livre de vérité qui nous fait partager la vie de l'expédition comme le dit Lucien Devies dans sa préface excellente.
Après avoir vu le film Makalu pilier ouest, si vivant et soucieux du détail et de l'ambiance, je pensais tout connaître de l'expédition, aussi est-ce avec un certain détachement je l'avoue que durant ces vacances j'ai commencé à feuilleter ce livre... Un de plus, me disais-je, dans la grande collection de la littérature himalayenne.
Mais, dès les premières pages, j'ai été agréablement surpris par un ton nouveau. J'ai retrouvé dans le texte la totale sincérité des images du film avec une foule de détails révélateurs. Tout y est : les difficultés techniques certes, comme la lutte dans la tempête ou les mornes heures de doute durant les journées de tourmente, mais aussi le train-train de tous les jours avec les corvées monotones de portage et les servitudes parfois douloureuses d'une exténuante marche d'approche.
Mais plus encore nous devenons les confidents des membres du groupe et de leur chef. Suivant le cours de leurs pensées nous avons l'impression très vive de participer à la vie même de l'équipe, une équipe vouée à une oeuvre collective mais au sein de laquelle chacun conserve son originalité propre, à commencer par le chef qui, pleinement responsable, doit seul faire face et taire ses doutes ou ses craintes de peur d'affaiblir l'élan de ceux qui sont à la pointe du combat.
Ainsi après une prise de contact avec les problèmes d'intendance nous allons voir, jour après jour, le long calvaire du col de Barun, le train-train du camp de base, l'installation des camps successifs, les jours de doute dans la tourmente, les problèmes de l'arête et du pilier... un suspense de tous les jours et que font durer jusqu'au bout les pannes de l'oxygène.
Cela va de pair avec des paroles simples, des détails souvent révélateurs, l'expression aussi des sentiments ou réflexions simplement confiés dans leur vérité nue. Tout nous est conté : peines et difficultés comme aussi simples joies du courrier ou réconfort d'une visite amie grâce à l'hélicoptère et même, plus prosaïquement, plaisir d'un menu agréable.
Si le niveau des performances est remarquable comme aussi la résistance d'hommes qui au delà de 8 000 réussissent à progresser avec des appareils à oxygène défaillants, nous retrouvons des hommes comme nous... Par delà les progrès des techniques et du matériel, réflexions et détails ont fait revivre en moi avec une étonnante acuité des souvenirs que je croyais bien oubliés du Karakorum 1936... toujours les mêmes problèmes matériels ou moraux posés par les porteurs et les sherpas; les mêmes soucis et les mêmes joies simples.
L'illustration est à la hauteur du texte.
Mais, car on est exigeant avec ses amis, je noterai que le texte enregistré des conversations radio le jour du succès m'a paru un peu long et aurait mérité d'être condensé.
A signaler de même que sur la carte (page 49) une coquille donne un peu trop de lustre 8 811 m au lieu de 6 811 au modeste Kangtega.
Au total un beau livre qui nous fait vivre un bel exploit himalayen.
Louis NELTNER.