CRITIQUES DE LIVRES

AIGUILLE DU MIDI VALLÉE BLANCHE

 

 

par Georges et Pierre Tairraz

Arthaud, Paris, Grenoble.

(Revue " La Montagne et Alpinisme" - No 66, Février1968)

On sait que le Club Alpin Français n'a jamais été partisan de promener en haute montagne les touristes incapables d'y accéder eux mêmes. On a admis les téléphériques "de bordure" mais pas ceux "de pénétration" et cette doctrine semble avoir été adoptée par les associations étrangères. C'est ainsi qu'à l'aiguille du Midi, au col du Géant et aux Grands Montets, correspondent le col du Théodule, le Gornergrat, l'Eggis Horn, la Diavolezza et le Corvatsch (encore que la station supérieure ne soit pas au sommet). Mais les cabines de la Vallée Blanche sont uniques en leur genre comme est unique la beauté de la région qu'elles survolent.

Il n'est pas étonnant que cette beauté ait tenté le photographe, et G. et P. Tairraz ont parfaitement su la résumer tout en exprimant bien la petitesse des engins perdus dans la haute montagne. Ils ont raison de dire, avec Paul Payot, qu'avec le moindre éloignement tout disparaît de la trace de l'homme.

Aussi nous négligerions volontiers la présence de cette ferraille, qui ne déshonore que des sommets sans gloire, si les individus qu'elle apporte savaient aussi se faire oublier. Mais ils sont là, insupportables. Leur vulgarité, leur incompréhension, leurs accoutrements et les ordures qu'ils laissent derrière eux. Töpffer disait autrefois que la présence de la foule laissait à la montagne sa beauté mais lui faisait perdre son charme. La beauté, les alpinistes la connaissent, le charme, ils feront mieux d'aller ailleurs le chercher.

Mais la domestication de la sauvagerie naturelle a toujours sa poésie et la construction du téléphérique de l'aiguille du Midi fut une épopée parfois tragique que les auteurs nous révèlent et dont le récit est tort émouvant. Les images sont admirables. Elles rappelleront à beaucoup des souvenirs de silence et de solitude extasiée qu'ils feront mieux de ne pas essayer de revivre.

Alain de CHATELLUS.