CRITIQUES DE LIVRES

LES MONTAGNES DE LA TERRE,
Volume 1, description générale des montagnes

 

 

par Roger Frison-Roche.

Flammarion, Paris.

(Revue " La Montagne et Alpinisme" - No 48, Juin 1964)

Roger Frison-Roche, notre plus célèbre romancier alpin, avait jusqu'ici uniquement parlé de la montagne et des déserts à propos du cadre grandiose où il situait ses romans. Certains d'entre eux apportent en outre une bonne part de fiction qui a parfois fait songer à des ouvrages de Jules Verne.

Sans vouloir se contenter de la place qu'il occupe dans la littérature contemporaine, notre auteur s'est attaqué, cette fois-ci, à la description générale des montagnes, sans même oublier celles qui ne sont pas, à proprement parler, le théâtre d'une activité alpine.

Dans ce livre au caractère encyclopédique, Roger Frison-Roche n'a pas voulu faire vraiment oeuvre d'homme de science en apportant une contribution personnelle aux nombreux problèmes que soulève la formation des montagnes. Il s'est borné à une description complète et très bien documentée des montagnes du globe. Il s'agit donc d'un ouvrage auquel s'intéresseront tous les Français traditionnellement ignorants de la géographie, et qui peut servir de référence de base à ceux qui projettent un voyage dans les contrées montagneuses. Mais il est évident que, pour les alpinistes, cette documentation ne saurait suffire.

Le texte est rédigé dans ce style simple et élégant qui est propre aux ouvrages de Frison-Roche. L'illustration, parfois très belle, est un peu inégale. Les oeuvres de ce genre qui ont déjà paru nous ont habitués, il est vrai, à de tels luxes de photographies que nous sommes devenus très difficiles t

Alain de CHATELLUS.


Volume 2, la montagne et l'homme, histoire de l'alpinisme

(Revue " La Montagne et Alpinisme" - No 50, Décembre 1964)

En écrivant ce deuxième volume Frison-Roche aborde une oeuvre véritablement très irnportante, somme de toutes les connaissances humaines sur la montagne aussi bien dans le domaine de la géologie que celui de l'histoire, en particulier de l'histoire alpine.

Davantage que le premier tome, ce deuxième volume se rapporte, beaucoup plus directement, aux préoccupations de ceux qui ont fait, de la moyenne et de la haute montagne, le but de leurs plus hautes aspirations. L'auteur a mené à bien le très important travail de documentation nécessaire pour établir la chronologie de la conquête des Alpes tout en donnant, à notre avis, une part trop importante au massif du Mont Blanc. Si toutes les Alpes étaient étudiées avec une pareille minutie quatre volumes auraient été nécessaires, noyant la vue d'ensemble sous des détails sans intérêt.

Après avoir sans défaillance inventorié les faits, l'auteur en a tiré une philosophie et des conclusions que l'on ne saurait accepter sans réserve. Les personnalités qu'il estime marquantes sont très souvent mal choisies. Certaines sont ainsi tirées entièrement de l'oubli total où les avait laissées l'histoire alpine.

II en est de même des ascensions qui, à chaque tournant de l'histoire, ont marqué les étapes de l'évolution de l'alpinisme. Elles sont maintenant très connues et un ouvrage qui veut retracer la conquête des montagnes de la terre ne peut plus guère à présent en omettre une partie.

Mais il y a plus grave et l'on peut se demander quel démon a bien pu pousser Frison-Roche à dénaturer ainsi le visage de l'alpinisme français. Contrairement à ce qu'il allègue, ce dernier n'a pas été fondé par une aristocratie (à moins d'interpréter ce terme dans son sens purement étymologique), ni à l'époque "héroïque" des cordées guidées, ni à la naissance, en 1920, de l'alpinisme sans guide français. Les noms de Boileau de Castelnau ou de Jacques et Tom de Lépiney quelqu'irnportants qu'ils soient, ne sauraient faire oublier que les précurseurs venaient de tous les horizons sociaux, et qu'aucun groupement n'était moins exclusif que le G.H.M. dès son origine. Contrairement aussi à ce qu'affirme l'auteur, les "sans guide" français ne négligèrent jamais les massifs étrangers et ne constituèrent pas une chapelle bornée dans ses buts et son recrutement. A la déclaration de la guerre de 1939, les amateurs français - et un petit nombre de professionnels - n'étaient nullement inférieurs à leurs rivaux étrangers. Sans doute en France comme d'ailleurs sur le continent, les milieux estudiantins et universitaires ont fourni, au départ de l'alpinisme sans guide, les contingents les plus importants, mais cela n'exclut nullement une diversité d'origine, à la grande différence de l'Angleterre, où, pour des raisons d'éloignement, les premiers alpinistes se recrutèrent à peu près uniquement dans les familles relativement aisées qui découvraient les montagne, à l'occasion de voyages touristiques.

L'ouvrage a été écrit et édité avec un soin extrême et certainement relu de nombreuses fois par son auteur.

Il n'en est que plus frappant de voir qu'une des plus magnifiques illustrations de l'ouvrage, représentant le plus beau versant du Mont Blanc, comporte un titre qui confond l'éperon de la Brenva avec l'arête de Peuterey (p. 310).

Les photographies parfois très telles, sont rarement inédites et, comme le texte, trop centrées sur le massif du Mont Blanc. Bien que l'innovation de ne jamais aller à la tigre complètement alourdisse beaucoup la présentation, l'ouvrage se situe au niveau de bien des publications antérieures sur un sujet, somme toute, très voisin. II constituera donc un élément appréciable de ce que l'on est convenu d'appeler un fond de bibliothèque bien remplie.

Alain de CHATELLUS.