CRITIQUES DE LIVRES

MONTER PLUS HAUT
Histoire de l'adaptation de l'homme à la haute montagne

par Charles S. HOUSTON .

( Ed. Librairie Arnette, Paris. 1982 )

(Revue " Montagne et Alpinisme" N°1 - 1983)

 

 

Charles S. Houston n'est pas un inconnu dans le milieu de la montagne. Sa dernière entreprise, l'expédition médicale américaine de recherche à l'Everest, son sérieux et, disons-le, des moyens considérables ont permis de porter la recherche au plus haut niveau (le docteur Ph. Hachett n'a-t-il pas réalisé un prélèvement d'air de ses alvéoles pulmonaires au sommet du Chomolungma !).

Menant de pair sa carrière de scientifique de la haute altitude et sa passion de la montagne, parcourant le monde avec sa jeune et enthousiaste équipe, il est retrouvé à tous les grands moments de la recherche médicale des hauts espaces depuis l'après-guerre.

 

 

L'édition française de son livre, paru aux U.S.A. il y a deux ans, admirablement traduit par le docteur P. Radiguet de la Bastaïe, est à mettre entre toutes les mains. Chercheurs et hommes de terrain s'y réconcilieront. De plus, fait rare, la traduction est à jour puisqu'elle mentionne les premiers résultats exploitables de l'expédition 1981. Le livre, d'un format plus maniable que l'original, reproduit fidèlement de nombreux dessins, schémas et photos.

Les premiers chapitres dressent l'histoire de la découverte, souvent difficile et dramatique, du monde de la haute altitude. De l'Antiquité au 20e siècle, la conquête des cimes, et ensuite du ciel, est menée par des aventuriers-savants qui n'hésitent pas à prendre tous les risques. Les découvertes parfois héroïques de ces précurseurs ouvrent la voie aux connaissances actuelles. Ces pages bien écrites, complètes, sont bien vite parcourues tant elles révèlent d'anecdotes et d'exemples concrets. Tout y est, Houston n'oublie pas les auteurs étrangers, pour lui, la montagne et la recherche n'ont pas de frontières. Les rappels de physiologie respiratoire, circulatoire et de l'hémoglobine sont assimilables par tous les théories modernes sont expliquées simplement, une leçon pour les auteurs de certains traités de vulgarisation médicale.

Le mal des montagnes, l'oedème pulmonaire et cérébral de haute altitude, monuments de cette médecine récente qui concerne chaque alpiniste ou randonneur, même en zone européenne (n'en est-il pas pour preuve, par exemple, les abords du Goûter en été ?) sont exposés dans leur historique, signes d'alarme et d'état. Les petits maux de tête, les nausées voire les vomissements ne sont peut-être pas dûs à la vilaine soupe de la veille au refuge. L'insomnie, le réveil brusque avec l'impression d'étouffement, ce n'est pas uniquement l'angoisse de la course du lendemain. La torpeur matinale au bivouac n'est pas toujours à mettre au compte de la difficile reprise après onze mois de travail. Houston nous apprend quelle importance attacher à ces petits signes qui peuvent être précurseurs de problèmes bien plus graves. II explique les mesures préventives indispensables et le traitement d'urgence, simples, accessibles à tous. La formule "mal des montagnes = descente immédiate" ne souffre aucune discussion.

L'acclimatement, son expression au niveau cellulaire, l'entraînement, les médicaments- " miracle " , le régime alimentaire, rien ne manque, à aucun moment l'auteur n'ennuie ni n'est trop compliqué.

On apprend pourquoi l'altitude physiologique du Mac Kinley est plus haute que son altitude géométrique et l'inverse pour l'Everest. Pourquoi une altitude de 6 000 m n'est pas supportée de la même manière pour le même grimpeur avec le même acclimatement en tous points du globe. Les contre-indications catégoriques à l'altitude sont évoquées, peu nombreuses, il faut les respecter.

Le livre se lit comme un roman et le sous-titre "Histoire de l'adaptation de l'homme à la haute montagne" est bien choisi.

Admettre dans le même ouvrage le récit de la mort du docteur Jacottet au Mont Blanc en 1981, aux premiers balbutiements de l'homme en altitude, et des notions complexes telles capacités physiques et altitude ou consommation maximale d'oxygène est une prouesse qui doit recruter l'intérêt de tous.

Ce livre mérite de devenir une référence pour tout pratiquant de la montagne, en particulier pour le futur médecin ou responsable santé d'expédition ou de trekking.

Merci aux docteurs Houston et Radiguet de La Bastâie de nous aider à pénétrer sans heurts ce milieu hostile que nous aimons et surtout à en revenir.

Jean-François MAZEAUD .

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