CRITIQUES DE LIVRES
NEIGE ET ROC
par Gaston Rébuffat
Hachette, Paris.
(Revue " La Montagne" - No 24,1959)
On sait que Gaston Rébuffat, guide professionnel venu
de l'amateurisme, a, le premier, dans ses ouvrages précédents,
parfaitement mis en évidence la joie qu'éprouve un alpiniste à
conduire en montagne des compagnons moins exercés.
Joie faite du partage des richesses, mais aussi de l'orgueil d'être le rempart d'une cordée vis-à-vis des risques de l'altitude.
Il était donc naturel que l'idée lui vienne de condenser en un livre les enseignements qu'il aime transmettre dans la technique comme dans la conception intellectuelle et morale de l'alpinisme.
Disciple comme beaucoup d'entre nous d'Antoine de Saint-Exupéry, Rébuffat voit avec juste raison dans la fréquentation commune des risques le meilleur ciment de l'amitié. Cette attitude humaine le met à l'abri des tentations de la vanité auxquelles sa remarquable carrière alpine l'aurait plus que tout autre exposé.
Avec le temps, son style s'est affiné, sa personnalité littéraire s'est affirmée et s'est débarrassée d'une tendance à la préciosité où une trop grande recherche dans l'originalité d'expression semblait devoir autrefois le conduire.
Bien qu'étant incapable de porter un jugement sur les finesses de l'escalade artificielle, je pense que, techniquement, l'ouvrage est absolument parfait. Le texte précis accompagne des images convaincantes, notamment en escalade glaciaire.
J'aurais aimé voir décrire les « noeuds de Prusik » dont on parle souvent, mais dont, à ma connaissance, aucune revue alpine française n'a encore révélé les secrets. Ce, n'est certes pas au moment de s'extraire d'une crevasse que l'on peut les inventer!
L'édition, l'illustration n'appellent absolument aucune critique. Signalons pourtant, pour finir, un détail amusant quand on pense que l'ouvrage est rédigé par un des plus remarquables spécialistes des Alpes Occidentales : l'un des textes qui accompagnent les très belles images comporte une erreur grave. Nous laissons sa découverte à la sagacité des lecteurs de La Montagne et serions très curieux de connaître le nombre de ceux qui la trouveront.
. Alain DE CHATELLUS