La place manque pour rendre compte dans le détail
des nouvelles, poèmes, études, revues, etc. qui composent
le menu de ce numéro : le lecteur est transporté de Patagonie,
avec le Peon de Rojo ce "témoin mutique habillé
d'une tristesse fière" jusqu'à Chamonix où
Giovanna a la révélation d'un amour de maturité ("Là-haut")
en passant par les Pyrénées patrie de Monsieur Arrieudebat
("Alpinisme et Politique"). Côté
surréaliste, deux nouvelles : l'une à lire le soir au refuge
"Le glacier dégoûté", l'autre : "Un
amour de vacances, avec le clair de lune, les violons, tout le bordel
en somme" à relire dans quelques millénaires
lorsqu'à l'image de Rom et Liottie les hommes auront atteint au
degré le plus absurde du délabrement socio écologique
! L'alpinisme dans un tel contexte a une saveur très allégorique...
La politique est également à l'honneur avec trois textes
intéressants : "Les montagnards victimes de l'histoire"
et "Alpinisme et politique" relatifs aux rapports entre
les gens de la montagne, ceux qui les visitent et ceux qui les gouvernent.
Il n'est toujours pas question, à quelques allusions près,
d'alpinisme et de politique, mais, patience... D'ailleurs, pourquoi certains
numéros des Cahiers ne seraient-ils pas consacrés
en totalité à un sujet donné tel que celui ci; le
caractère apériodique de la publication s'accommoderait
sans doute bien d'une telle formule qui aurait en outre l'avantage de
lui donner davantage d'unité. Elle en manque parfois, ainsi Les
lettres de la montagne de René Daumal sont publiées
sans aucun commentaire et seuls les lecteurs consciencieux trouveront
dans l'excellente revue de Jean Bocognano quelques indications biographiques
sur l'étrange auteur du Mont Analogue.
A ceux qui ne sont ni "mystiques" ni "anarchodésirants"
et "qui aiment les formules", David Belden "demande
des épreuves pour sa pensée" et propose avec ses
notes de concert des éclaircissements sur "la pensée
musique de Xénakis". Le rapport avec l'alpinisme ne semble
pas très clair (une montagne de mots ?), mais comme disait Monsieur
Arrieudebat (page 67) : "Je n'ai pas tout compris, le Petit Larousse
lui même ne connaît pas tous les mots de leur vocabulaire".
Ces notes figurent à côté de textes moins hermétiques,
dans une importante rubrique intitulée "L'envie d'en
parler" : comptes rendus d'exposition, de lecture, de films,
etc.
J'ai particulièrement apprécié les revues de livres
de Michel Ballerini (Bilan des années 1976 et 1977) et de Jean
Bocognano ("L'adret et l'Ubac").
Avec ce numéro 2, Passage donne la confirmation que j'espère
définitive de son existence. C'est là le fait essentiel
car cette nouvelle publication ne semble avoir aucun équivalent
dans les autres revues d'alpinisme : il fallait donc qu'elle existe; on
a même le sentiment que certains, qui n'avaient pas pu tout exprimer
dans les revues traditionnelles, donnent ici libre cours à la très
noble passion du verbe et à l'impérieuse nécessité
de l'introspection
les auteurs de Passage sont comblés. Les lecteurs le seront sans
doute également s'ils font un effort.
Yves BALLU..
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