CRITIQUES DE LIVRES

PRIÈRE SUR LE MONT BLANC

 

 

par Max Melou.

Arthaud, Paris, Grenoble.

(Revue " La Montagne et Alpinisme" - No 64, Octobre 1967)

Les lecteurs, même peu attentifs, de Ski Français ont sûrement remarqué dans chaque numéro de cette revue l'originale la "chronique de la montagne" écrite d'une plume alerte et brillante par Max Melou. Cinquante de ces articles sont ici réunis. Bien que ces textes aient été généralement inspirés par des faits du moment et qu'ils se suffisent chacun à soi même, on a plaisir à les trouver ici rassemblés et quelque peu ordonnés.

Il en résulte un livre de qualité et d'une grande saveur, néanmoins original à cause d'une apparence de bric à brac où il s'agit le plus souvent de bien autre chose que de ski et de montagne. Mais encore ?

Les sports de la montagne constituent-ils des activités si limitées qu'en dehors de leur exercice propre (voir le récit de course, l'article technique ou le compte rendu de compétition) il n'y a plus rien à en dire ? Non, bien sûr

C'est là que Max Melou nous attend pour peu que nous ne soyons pas allergiques à toute littérature. Et pour quel vagabondage ! Voici qu'il est question d'un nouveau livre, du dernier film dont on parle, d'une région à peine alpine, ou simplement du temps qu'il fait, et toutes ces digressions poétiques, ces remarques judicieuses et bien teintées d'humour ne paraissent point du tout hors de propos. Le ski, dit à peu près l'auteur, est l'aristocratie du sport. Alors noblesse oblige : apprenons à trouver une morale dans nos activités montagnardes et reconnaissons que rien d'humain ne nous est étranger. A une époque marquée par les dangers de la spécialisation, le snobisme, les risques de perversion que fait courir une invasion commerciale toujours plus poussée, il est bon qu'on vienne nous rappeler que "dans le domaine du sport la poésie est indispensable" et que l'idéal à atteindre est "de porter en soi la plus belle âme". Et tout cela d'une façon si légère et souriante qu'on ne peut pas en être agacé. Nous trouvons donc dans ces essais juxtaposés, dont l'unité réside dans un sens élevé de la beauté et de la solidarité humaine, les caractéristiques d'un vieil humanisme - ceci dit sans y mettre rien de péjoratif.

Cette philosophie, fort peu abstraite, est celle des "vraies joies, à rebours de passions de l'actualité". Que l'on ne se chagrine point de ce qui peut paraître conservatisme. Au fond, c'est une sorte d'hygiène que ce livre nous apporte. Par le biais d'un certain badinage, il nous enseigne le respect d'une nature qui constitue notre plus grande richesse, la sagesse due à la montagne face à l'éparpillement dans une civilisation trop matérielle.

En le feuilletant plus qu'en le lisant d'un trait, on sentira mieux le charme un peu piquant de chacune de ces chroniques, on admettra plus facilement de n'avoir pas toujours les mêmes goûts que l'auteur, ou d'être heurté par quelques préciosités dans un style élégant et direct. Et l'on s'enchantera de phrases claires comme celle ci : "Parmi les sapins aux branches lourdes, dans le silence des blancheurs sans limites, ou sous le vent des sommets, enfin libre, grisé de toutes les musiques du ciel, le skieur est lui aussi un poète".

Gérard de Couyssy.