CRITIQUES DE LIVRES
SOMMETS
par Félix Germain
Arthaud, Paris, Grenoble.
(Revue " La Montagne" - No 26, 1960)
Les alpinistes sont en général fort ignorants
de la place que tient la montagne dans la littérature, et se contentent,
le plus souvent, de
notes techniques ou de récits de courses qui paraissent dans les revues
spécialisées, mais qui, en général, laissent de
côté toutes les questions d'esthétique du paysage et qui
ne parlent que trop sommairement de la psychologie des grimpeurs.
Félix Germain a voulu combler cette lacune et réunir en une anthologie les textes qu'il estimait les plus marquants, et qui traitaient de l'esthétique de la montagne ou de la pratique de l'alpinisme telle que la conçoivent les romanciers et les littérateurs dont l'inspiration n'est pas uniquement issue du domaine de l'altitude. A ces textes, il a joint ceux qui - oeuvres d'alpinistes connus - sortaient suffisamment de l'ordinaire des récits de courses pour atteindre à une valeur universelle.
Toute anthologie comporte un choix et se trouve ainsi l'expression d'une opinion personnelle. Bien peu d'entre nous sont capables de porter un jugement sur la valeur absolue de l'avis de l'auteur, mais nous connaissons suffisamment son bon goût, sa grande culture et son amour de la montagne sous tous ses aspects pour lui faire confiance et accepter tel quel le triage qu'il a effectué.
Il semble ressortir de cette lecture que la valeur des textes est presque inversement proportionnelle à la réputation des auteurs. Aux littérateurs les plus connus, la montagne ne réussit vraiment pas. La situation paraît être la même qu'en peinture. Les meilleurs textes sont issus des écrits laissés par les alpinistes véritables. La haute montagne vue de près est inconcevable à ceux qui ne la fréquentent pas, fussent-ils des écrivains de génie. Tout au plus, ceux-ci peuvent-ils traduire les impressions ressenties par les touristes
Sans doute, l'auteur, pressentant la déception que causeraient les textes, a voulu donner des paysages et des sommets une autre traduction. Il a donc juxtaposé chacun des extraits à des photographies dont la beauté et la qualité de reproduction ne laissent place à aucune critique.
On retire de ce livre une démonstration éclatante de l'opinion de Guido Rey : "C'est là-haut que sera révélé le mystère de la beauté que l'appareil photographique ne peut pas enregistrer, que la mémoire ne sait pas redire". En termes plus modernes, nous conclurons d'un mot : le décor écrase la pièce.
. . Alain DE CHATELLUS.