CRITIQUES DE LIVRES
LE MASSIF DE LA VANOISE, Les 100 plus belles courses et randonnées
par Charles MALY.
Denoël, Paris.
(Revue " Montagne et Alpinisme" - N°1, 1977)
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De Rébuffat en Bellefon, de Bellefon en Maly, la collection dirigée par le premier nommé (dont on ne dira jamais assez les mérites) se "dévirilise" mais s'humanise. Le roc nu et la glace vive cèdent résolument le pas à l'arbre et à la fleur, au bouquetin et au pinson; l'alpiniste, rochassier ou glaciériste, reconnaît le montagnard, je veux dire le paysan des montagnes; les "cathédrales de pierre" ne couvrent pas de leur ombre la chapelle romane ou l'église baroque. Le style, c'est l'homme. Tel est bien Charles Maly, non écrivain certes, ni de métier ni de race, mais qui, à travers les embarras même de sa langue (et peut-être grâce à eux), nous communique la spontanéité de son émotion, la sincérité de sa vision, la lucidité de sa réflexion. C'est parce que je connais de la Vanoise si peu que rien que le responsable de cette rubrique m'a confié ce livre. En somme, il a voulu voir si un tel ouvrage correspondait bien à ce qu'il doit être : une invitation au voyage |
L'illustration est abondante (84 photos en couleurs, 194 en noir, 113 croquis et cartes). Moins excitante que dans les précédents volumes (sans doute le terrain s'y prête-t-il moins), elle reste de qualité. Le massif est bien présenté (et on constate avec plaisir que l'auteur ne le borne ni aux limites du parc ni aux frontières nationales). Près de la moitié des courses décrites (43 exactement), et même les deux tiers si on y ajoute les ascensions faciles (jusqu'à PD), sont des randonnées (dont quelques-unes de plusieurs jours : 15 pour le "grand tour de la Vanoise", qu'on lira pour saisir l'homme Maly tout entier). L'alpinisme de difficulté (de l'AD à l'ED escalade ou neige) a donc la portion congrue, et c'est d'ailleurs la partie la moins convaincante du livre. Sans doute, ici aussi, fau-t-il incriminer le terrain; j'en verrais la preuve dans ce que la palme du n° 100 est donnée à un sommet, fier d'allure, mais modeste d'altitude et de renom : la Croix des Têtes (Maurienne, 2 495 m). Le charme de la Vanoise, ses meilleurs appas, sont ailleurs. Et, à laisser Maly me les conter, oui, j'ai eu envie de mieux connaître la Vanoise. L'auteur a donc rempli sa mission. Hélas ! il ne dit pas tout : le demièmillion d'"usagers" du parc national, les refuges surchargés et où les rencontres ne se font pas toujours entre purs esprits. En bref, la Vanoise victime de son succès. Certes cela ne condamne pas la formule des parcs, mais en dit les limites et dicte certaines réserves. Cela, en tout cas, ne saurait ternir la beauté du livre de Maly. Deux regrets cependant. D'abord que ce livre ne traite que de la Vanoise d'été ; elle est belle pourtant l'hiver aussi et, dit-on, l'auteur est bon skieur. D'autre part que les notes étymologiques (dont l'idée est louable) ne soient que la reprise du dictionnaire, largement dépassé, du bon chanoine Gros. Au total, un livre bel et bon; et un souffle nouveau dans une collection qui, décidément, n'est pas monotone. Et, puisque l'auteur verse parfois dans le moralisme, terminons par ce mot du "Pape" (sous l'invocation de qui le livre est placé) : "Quand on viole la montagne, elle vous baise." C'est aussi ce que dit, autrement, Charles Maly. Marc GABIZO. |