CRITIQUES DE LIVRES

VOYAGES DANS LES ALPES

par Horace Bénédict de Saussure.

(Ed. Slatkine, Genève. 1978)
(la photo ci-dessous est celle de l'édition de 1780).

(Revue " Montagne et Alpinisme" N°3 - 1978)

 

 

En quatre très beaux volumes, voici le quatrième titre de cette nouvelle collection "Les Alpes et les Hommes", dont l'utilité (pour ne pas dire la nécessité) est évidente, puisqu'elle a pour propos de rééditer des ouvrages épuisés, souvent introuvables sinon dans de rares bibliothèques, d'où ils ne peuvent généralement pas sortir. Utilité particulièrement manifeste, lorsqu'il s'agit des grands classiques de la littérature de montagne, dont le maître livre de Saussure est l'un des premiers monuments.

Aussi bien serait-il presque ridicule de vouloir présenter cette oeuvre capitale. Tout au plus nous bornerons nous à en rappeler les différentes parties : "Etude", de caractère surtout scientifique, sur Genève et sa région (Alpes, Jura, lac Léman). "Voyage autour du Montblanc", qui constitue la partie la plus développée, et l'une des plus intéressantes. "Deuxième voyage" (de Genève à Gênes par le Mont Cenis, et retour par la côte de Gênes et par la Provence). "Troisième voyage" (de Genève au lac Majeur, par le Grimsel, le Gries et la Furca del Bosco; retour du lac Majeur à Genève par le Saint Gothard). "Quatrième voyage", qui relate l'ascension de Saussure au Mont Blanc. "Cinquième voyage", consacré à son camp au col du Géant. "Sixième voyage" (Mont Rose). "Septième voyage" (le Mont Cervin).

 

Il convient de remarquer que dans ces Voyages, Saussure apparaît un explorateur des Alpes, beaucoup plus qu'un alpiniste à proprement parler. Son récit, d'autre part, est surtout le fait d'un homme de science même si sa culture est vaste et éclectique. La forme et la pensée, très classiques, restent celles de "l'honnête homme" du XVIIIe siècle. Toutes différentes, certes,seront celles d'un Ramond de Cartonnières, ce Chateaubriand de la montagne, tout imprégné déjà de romantisme et beaucoup plus porté que Saussure à se laisser émouvoir par les beautés de la nature. Il y a chez celui-ci bien davantage d'observation que de sentiment, et de relation que de littérature. Cela dit, nous ne pouvons qu'inciter tous ceux qui, s'intéressant à la montagne, n'ont pas encore eu l'occasion de prendre connaissance de l'oeuvre maîtresse du grand Genevois, à saisir la plus grande facilité qui leur est désormais offerte de le faire. Même s'ils considèrent qu'elle se rapporte à une époque totalement révolue. Et, ajouterons-nous : précisément à raison de ce caractère inactuel, qui leur rendra ce texte neuf. On ne le répétera jamais assez : de l'action et des écrits de Saussure découle toute la grande aventure de l'alpinisme qu'il a déclenchée à point nommé. Premier explorateur systématique des Alpes, du Léman à la Méditerranée, des plaines du Genevois à la cime culminante du Mont Blanc, il a ouvert le processus de leur découverte, puis de leur conquête. De cette découverte, de cette conquête, son livre est le premier témoignage. Il faut donc le lire, et dans cet esprit plus proche de l'histoire que de la littérature.

Ajoutons que le texte de Saussure est précédé du "Mémoire historique sur la vie et les écrits de Horace Bénédict de Saussure", de son contemporain et ami Jean Senebier, seule biographie importante (et elle aussi introuvable) du savant genevois, avec le livre capital de Douglas W. Freshfield. Ce mémoire complète fort heureusement l'ouvrage.

Georges SONNIER.

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